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Sortir le biscuit traditionnel de ses ornières pour en faire un produit en phase avec une époque gagnée à la cause de l’économie circulaire, tel est le credo de Mad Lab. Imaginé par Cyril Beneche, ce label bruxellois, dont l’atelier est installé sur le site des anciennes usines Byrrh, signe une gamme remarquable de crackers sucrés et salés. Du sens et du goût.

Tout a commencé par une reconversion. Cyril Beneche, un Français de 34 ans, perd son emploi de géologue minier. Lui qui a parcouru le globe à la recherche de bons filons décide de rentrer à Paris. Taraudé depuis toujours par les bonnes choses, il décide de suivre une formation de pâtissier. Au terme d’un stage de 6 mois, une première proposition d’embauche tombe. Elle arrive en droite ligne de Bruxelles. Qu’à cela ne tienne, le pâtissier fraîchement émoulu saute dans le Thalys et s’installe dans la capitale. Pas de chance, la déception est au bout de l’expérience. Il en tente une autre. Même topo. Arrivé dans le métier sur le tard, l’intéressé en arrive assez rapidement à une évidence: il doit devenir son propre patron et dessiner lui-même les contours de son projet.

À l’époque, on lui parle d’un site de vente en ligne en train de se monter. Cette opportunité le pousse à se choisir un créneau au sein du large éventail des spécialités pâtissières. Pourquoi pas le biscuit, un genre qui a l’avantage d’être aussi à l’aise avec le sucre que le sel? «J’ai commencé à faire des cookies et des sablés en 2015 dans la cuisine de la colocation que j’occupais alors. J’avais une idée de ‘biscuits libres qui ont le droit d’être fous’, le slogan me plaisait», explique l’entrepreneur. Très vite, le jeune homme sent qu’il a mis le doigt sur quelque chose: ses créations suscitent l’intérêt. Il faut dire qu’il travaille proprement, lui qui n’utilise que des ingrédients de premier choix et des matières premières labellisées bio.

LA DRÈCHE MIEUX QUE LA DÈCHE

La demande ne cessant d’augmenter, le «néoterroiriste» s’installe dans un atelier partagé d’Anderlecht (Co-oking). «Le départ a été très empirique, je réinventais la roue. Je me souviens d’une grosse commande pour laquelle j’ai aplati 30kg de pâte au rouleau», s’amuse le trentenaire en se rappelant la douleur dans les avant-bras. Si l’efficacité n’est pas encore là, l’aventure a le mérite de le mettre en contact avec d’autres acteurs de la scène food bruxelloise, tout un réseau de nouveaux artisans dopés au locavorisme et inspirés par des démarches qui n’ont pas que le seul profit en ligne de mire. L’une de ces structures, Beerstorming, un lieu saint-gillois permettant à tout un chacun de brasser sa propre bière, offre un sachet de drèche à Cyril Beneche.

Vous avez dit «drèche»? Il s’agit en réalité d’un résidu d’orge dont les brasseurs se débarrassent après la cuisson de la bière «À dire vrai, cela ne m’a pas beaucoup stimulé dans un premier temps. Ce n’est qu’après une soirée entre amis au Moeder Lambic, le fameux bar bruxellois, que j’ai eu un début de piste. Pour accompagner la dégustation d’une bière, en guise de grignotage, ils ont la bonne idée de servir des grains d’orge. J’ai adoré ce goût de céréale. Je me suis dit que je pourrais peut être le retrouver dans des biscuits. J’ai d’abord essayé d’incorporer de la bière à la farine. Cela ne fonctionnait pas. Puis, j’ai eu une révélation: pourquoi ne pas utiliser la drèche que l’on m’avait donnée?» Motivé, Cyril multiplie les essais jusqu’à obtenir la recette qui le séduit.

Les circonstances vont l’aider à développer cette géniale intuition. Il raconte: «L’atelier partagé à Anderlecht était devenu trop petit pour mes activités qui se développaient. J’ai alors trou- vé un espace à Namur. Par chance, j’y ai été mis en contact avec la Brasserie du Renard à Grez-Doiceau. Cela a été une belle opportunité car je me suis vite rendu compte qu’il était difficile de se procurer de la drèche biologique. Eux en avaient à revendre… On a noué une collaboration forte qui se poursuit aujourd’hui encore, même s’il m’arrive parfois de travailler avec la drèche de Cantillon, une brasserie bruxelloise historique.» Porté par ce partenariat inespéré, le néoartisan imagine une gamme de crakers à la drèche en version nature («Foxy»), à l’ail («Fang»), au thym («Sunny») et au fenouil («Annie»). Les intitulés?

Cyril Beneche les puise dans le répertoire musical, une source d’influence majeure pour lui. Mais le périple namurois lui est aussi bénéfique d’une autre façon, il y fait la rencontre de David Moriamé, son actuel associé. Bien au courant des stratégies de distribution, celui-ci va contribuer à ce que Mad Lab passe à la vitesse supérieure. Ce coup d’accélérateur entraîne un nouveau déménagement, il leur faut davantage d’es- pace. Retour à Bruxelles. Avril 2018,les deux entrepreneurs s’installent
dans les anciens établissements Byrrh désormais appelés Be-Here, soit un pôle d’activités économiques converti à des projets éthiques et citoyens. Ayant le vent en poupe, le duo embauche de la main d’œuvre.Un cap doublé d’une vraie satisfaction pour eux.

FIBRES ET PROTÉINES

En plus de son intérêt gustatif, la drèche fait valoir un autre atout. «Cette matière première est très chargée en fibres et en protéines. Du coup, nutritionnellement, c’est une aubaine. Un sportif de haut niveau s’en était fait une réserve pour rejoindre la Norvège à vélo. Il en parlait comme d’un ‘pain elfique’ lui permettant de pédaler sans faiblir », se réjouit le fondateur de Mad Lab. À côté de cela, la marque aligne également des références de crackers salés et sucrés sans utilisation de drèche. Le fil rouge? Des goûts marqués et des saveurs identifiables. On en veut pour preuve par exemple le «Red Morning Light », un biscuit aux saveurs baie rose et orange. Quand on l’interroge sur le chemin parcouru, Cyril avoue qu’il n’a pas à rougir. Ce dont il est le plus fier, c’est probablement de redonner vie à une matière première qui finit habituellement sa vie dans un inciné rateur. Il précise: «Certains se servent de la drèche pour la nourriture animale mais ce circuit est aujourd’hui compliqué par diverses réglementations. En réalité, la plupart du temps ce qui peut lui arriver de mieux c’est de terminer en compost. Mad Lab réussit le tour de force d’en faire de l’alimentation pour les humains. Quand on regarde les standards pris en compte par l’énergie circulaire, c’est l’une des plus belles valorisa-
tions qui soit.» Respect.

« NOUS REDONNONS VIE À UNE MATIÈRE PREMIÈRE QUI FINIT HABITUELLEMENT DANS UN INCINÉRATEUR »

LES ESSENTIELS

Les crackers «classiques» de Mad Lab se dégustent plutôt tout seuls, tandis que ceux à la drèche servent idéalement pour le «dipping» (à chacun d’inventer la meilleure formule, avocat, fromage frais, houmous…).

Les crackers salés «classiques », sans drèche donc, se déclinent en quatre versions: graines de nigelle («Nigel »), romarin («Rosmary ’s Baby »), tomate-basilic («Revolution 909»), piment-basilic («Give it away »).

Les crackers sucrés Ils sont disponibles dans les versions suivantes: cafécardamome («Couleur Café»), citron confit-noisette-romarin («Nice Boy »), sésame noir-citron confit («Antisocial »), gingembre-noix («Sex on fire»), baie rose-orange («Red Morning Light ») et cannelle («Cinamon Girl »).

Le «Lab» dans le nom de «Mad Lab» n’est pas usurpé. Cyril Beneche réfléchit à des nouvelles recettes en permanence. Il travaille en ce moment à une solution circulaire pour remplacer le sucre raffiné.

La gamme est également disponible en vrac. On peut la trouver dans des enseignes comme Färm, Biok et dans de nombreuses épiceries bio. Plus de cent magasins en Wallonie et à Bruxelles.

Source: Les nouveaux terroristes

Rédigé par: Michel Verliden

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